Le terme « nu » appartient au vocabulaire des Beaux-Arts depuis le XVIIe siècle. À travers l'histoire il fut le miroir des implications psychologiques, philosophiques et esthétiques du corps dans des sociétés données ; cet exercice constamment renouvelé est une tentative qui, par une voie sensible, définit l'être humain, souvent dans son acception « naturelle ».
Depuis la préhistoire, la représentation de corps nus est un des thèmes majeurs de l'art.
L'évolution de l'être humain s'est accompagnée d'un éloignement progressif de l'état de nature, notamment par l'habillement qui est propre à l'être humain. On peut voir dans la représentation de l'être humain nu, c'est-à-dire réduit à sa nature même d'être charnel, la volonté implicite de retrouver ses origines ou de trouver des réponses à une existence complexe.C'est bien évidemment sur l'Art de l'Antiquité que les maîtres italiens ont fondé leurs canons esthétiques, mais l'art de la Renaissance a toutefois suivi son propre cheminement, avec des supports différents (peinture sur toile, fresque, sculpture) et un grand nombre d'innovations techniques (la peinture à l'huile, la perspective linéaire, le sfumato, le trompe-l'œil,...), qui lui confèrent des caractéristiques propres. Le corps nu est représenté essentiellement dans des œuvres sur des thèmes mythologiques
A la Renaissance, le nu devient un sujet à part entière et exprime une esthétique nouvelle, dans laquelle les artistes traduisent l'évolution de la société. Au début, les corps sont particulièrement corpulents (gras) car on souhaitait montrer que l'on entrait dans une nouvelle ère d'opulence et surtout parce que le désir premier des humanistes était de placer l'homme au centre de l'univers. Plus tard, les corps adipeux laissèrent la place à des corps musclés. Les corps, également figés au début, ont évolué à l'instar de ceux de l'Antiquité. Ces deux caractéristiques (musculature et mouvement) furent améliorées par l'étude des maîtres anciens mais surtout par la recherche anatomique sur modèles vivants ou cadavres (comme le fit Léonard de Vinci). Le nu féminin, tout en exprimant un idéal de beauté, commence à traduire un érotisme, qui posera quelques problèmes dans la réception des œuvres en raison des mentalités qui n'étaient pas prêtes à accepter ce type de représentation.
Les artistes durent trouver toutes sortes de stratagèmes pour que la nudité ne soit pas choquante et n'entraîne pas le rejet de l'œuvre. Soit la pose elle-même masquait ce qu'on ne voulait pas montrer, soit un cache-sexe plus ou moins opportun fut largement employé, autant sur les sculptures que dans la peinture : c'était soit un morceau d'étoffe, soit une feuille de vigne (comme sur Adam) ou de figuier, et parfois des éléments plus ingénieux comme les cheveux (pour la Naissance de Vénus de Botticelli).
Giorgione peint, après Botticelli, le premier nu féminin important de la Renaissance (voir ci-dessous). Il s’agit encore de Vénus, endormie dans un paysage. La déesse est représentée non plus debout, mais allongée, de face, sa tête reposant au creux de son bras, l’autre bras épousant la courbe de la hanche pour venir dissimuler le pubis. Titien reprendra cette pose vingt-cinq ans plus tard, en la transposant dans un intérieur.
La Vénus de Lorenzo di Credi — peinte vers 1490 — représente une femme nue debout sur un fond sombre. Ce personnage est une copie manifeste du personnage central de La Naissance de Vénus de Botticelli, à ceci près que Lorenzo di Credi a employé une palette plus chaude que celle de Botticelli, qu'il a donné à sa déesse une tête inspirée de la statuaire romaine, et qu'ayant supprimé de ce fait la longue chevelure de la Vénus de Botticelli grâce à laquelle celle-ci pouvait disimuler son pubis, il a pourvu sa Vénus d'un voile dont l'extrémité retombante tient lieu de cache-sexe. On notera Lorenzo di Credi a conservé la très élégante double arabesque du corps de la déesse de Botticelli, mouvement qui alors justifié par le fait que sa Vénus se tient en équilibre instable sur une coquille mouvante, ne s'explique plus pour la Vénus de Lorenzo di Credi. Si, dans le cas présent, on ne peut considérer que le peintre ait ajouté ce voile superflu par pudeur mais par nécessité eu égard à son modèle, il est certain que des voiles ayant vocation de cache-sexe aient été effectivement ajoutés, parfois après coup, à certaines anatomies, comme ceux qui furent apposés, après le Concile de Trente, sur les sexes des personnages du Jugement dernier de la Chapelle Sixtine. Le peintre Daniele da Volterra qui accomplît ce travail y gagna le surnom de « culottier du pape ».
Néanmoins, on note des solutions variables quant à la représentation des sexes (surtout masculins). En effet, le courant des sujets religieux, promu par le mécénat officiel de l'Église, s'affrontait avec un mécénat privé néo-classique qui appréciait les sujets mythologiques, comme les Médicis, avec des compromis fréquents dans les collections privées de certains ecclésiastiques.
Quant il n'y avait pas de cache-sexe, souvent le sexe était prépubère, à la manière antique. Il est d'ailleurs quelques fois difficile de différencier les enfants, adolescents et adultes dans la mesure où la musculature ne correspond ni au visage ni au sexe (comme dans les œuvres du Caravage ou de Michel-Ange). Mais certains ne s'embarrassaient pas de ces convenances, comme le David de Michel-Ange ou le Persée de Cellini, exposés aux regards sur la place publique dès leur création.
La Renaissance amène aussi l'apparition de représentations d'enfants de façon réaliste, en rupture avec les représentations du Moyen Âge où ils étaient généralement représentés comme des adultes en miniature, avec des visages d'adultes. Les représentations de Jésus enfant sont innombrables.
Certains nus de la Renaissance furent censurés, soit par les artistes aux ordres des commanditaires, soit plus tard par les descendants des propriétaires des œuvres. C'est notamment le cas d'une fresque de Masaccio sur laquelle les sexes des deux personnages furent recouverts de feuilles de figuier deux siècles plus tard (et enlevées lors de la dernière restauration).
As social attitudes about artistic nudity have changed, this has sometimes led to conflict over art that no longer conforms to prevailing standards. For example, some members of the Roman Catholic Church once organized the so-called "fig-leaf campaign" to cover nudity in art, starting from the works of Renaissance artist Michelangelo, but the Church has since removed such fig leaves and restored the works.[citation needed] In contrast, it was conventional in ancient Greek art, from the time of the Archaic period onwards, to represent deities and divinized humans (or "heroes") in a state of heroic nudity in paintings and sculpture, and it remained so throughout the classical and Roman periods.
The nude has become an enduring genre of representational art, especially painting, sculpture and photography. It depicts people without clothes, usually with stylistic and staging conventions that distinguish the artistic elements (such as innocence, or similar theatrical/artistic elements) of being nude with the more provocative state of being naked. A nude figure is one, such as a goddess or a man in ancient Greece, for whom the lack of clothing is its usual condition, so that there is no sexual suggestiveness presumed. A naked figure is one, such as a contemporary prostitute or a businessman, who usually wears clothing, such that their lack of it in this scene implies sexual activity or suggestiveness. The latter were rare in European art from the Medieval period until the latter half of the 1800s; in the interim, a work featuring an unclothed woman would routinely identify her as "Venus" or another Greco-Roman goddess, to justify her nudity. There can be debate with regard to whether a figure in art is either nude or naked for example in some works of Francis Bacon.
Even though tastes changed significantly, sume nude themes kept their attraction, even leading to copying of scenes from many centuries before.
Nudity in art, also publicly displayed, is rather common and more accepted than public nudity of real people. For example, a statue or painting representing a nude person may be displayed in public places where actual nudity is not allowed. However, there is also much art depicting a nude person with a piece of cloth or other object seemingly by chance covering the genitals. Some feel the selected focus of "Nude studies" lends itself to an impersonal, objectifying depiction of the human body; others say it can be as selectively depicted as a landscape.
A 1960s comedy sketch featuring English comedians Peter Cook and Dudley Moore admiring Cézanne's Les grandes baigneuses in the National Gallery humorously suggested that there must be hundreds of paintings that are not publicly displayed because the pieces of cloth did not fall in just the right places while the artist was painting them.
In modern media, images of partial and full nudity are used in advertising to draw additional attention. In the case of attractive models this attention is due to the visual pleasure the images provide; in other cases it is due to the relative rarity of images of nudity. The use of nudity in advertising tends to be carefully controlled to avoid the impression that the company whose product is being advertised is indecent or unrefined. There are also limits on what advertising media such as magazines allow. The success of sexually provocative advertising is claimed in the truism "sex sells". However, responses to nudity in American advertisements have been more mixed; nudity in the advertisements of Calvin Klein, Benetton, and Abercrombie & Fitch, to name three companies, have provoked much negative as well as positive response. (See also: Sex in advertising).
Of images of nudity (not necessarily pornographic), the most extreme form is full frontal nudity, referring to the fact that the actor or model is presented from the front and with the genitals exposed. Frequently images of nude people do not go that far and photos are deliberately composed, and films edited, such that in particular no genitalia are seen, as if the camera failed to see them by chance. This is sometimes called "implied nudity" as opposed to "explicit nudity."
Comme celles de la pudeur, elles ont beaucoup évolué dans le temps et l'espace. La nudité était normale ou parfaitement tolérée chez de nombreux peuples des régions tropicales et équatoriales. Elle a été valorisée dans la grèce antique notamment chez les guerriers et les sportifs (Les jeux olympiques se pratiquaient nus). Elle est souvent valorisée dans l'art (peinture, scultpure..) aux époques classiques, ainsi qu'à l'époque moderne. A d'autres époques, pour des motifs religieux souvent, elle est mal admise voire strictement interdite (ère victorienne au Royaume uni). Ainsi les missionnaires catholiques et protestants ont ils réussi (si imposer sa culture à des peuples en faisant preuve d'un ethnocentrisme radical peut être considéré comme une réussite) sur presque toute la planète en zone tropicale à faire reculer la nudité des adultes, puis des enfants.
De nombreuses sociétés humaines, ont perçu la nudité comme dangereuse, et notamment les forces conservatrices, et par extension le pouvoir ou certaines religions.
Hormis dans certains contextes (sphère du privé, vestiaires sportifs, plages ou sites naturistes, devant le médecin, etc... parce qu'elle ne cache pas les organes génitaux, la nudité totale est souvent assimilée à une invite à la sexualité. Et elle provoque un trouble d'autant plus intense qu'elle est rare. Or, la sexualité est elle-même très codifiée au sein de tout groupement humain, et la plupart des société semblent avoir édicté des lois et tabous ou des obligations vestimentaires, parfois explicitement en lien avec le contrôle de la reproduction de ses membres. Dans cette perspective, celui qui va nu dans la sphère publique peut donc aisément être assimilé à un insoumis ou comme ne reconnaissant pas les codes en vigueur. Dans les milieux ou sociétés les plus pudiques, sa nudité pourra être interprêtée comme une invite à la transgression voire à la fornication, qu'il s'agisse de lois édictées ou de limites tacites. Celui qui se dispense publiquement de vêtement pourrait légitimement être soupçonné de ne pas adhérer au projet sociétal de son groupe : il refuserait ce faisant certains codes du groupe relatifs à l'intime dans sa relation aux autres.
Par ailleurs, le vêtement est porteur de symboles et support de divers marqueurs sociaux. En zone froide et tempérée, il est aussi un élément de protection contre le froid, comme il peut être une protection contre le soleil dans les déserts. En zone tropicale, le vêtement le plus simple, le pagne des tribus dites "primitives" ou peuples premiers, a aussi parfois fonction de protection contre les insectes et plantes piquantes ou urticantes.
L'ART DU NU ACADEMIQUE AU XIXème SIÈCLE
On entend généralement par "nu académique", d'abord un grand dessin, ensuite une peinture ou encore une sculpture, représentant un ou plusieurs nus, "l'académie", fait d'après un modèle vivant. C'est également le cours d'académie dispensé obligatoirement jusqu'en 1970 dans les écoles des Beaux-Arts. L'exécution du nu est soignée et toujours figurative. Le corps doit être lisse et glabre avec un modelé travaillé. Les poses sont variées et la référence originelle à la mythologie prendra avec le temps une importance secondaire.
De
tout temps l'homme a aimé contempler un joli corps de femme, avec ou
sans artifices.
Quoi de plus naturel en somme que de se le
représenter en peinture et l'artiste du XIXème siècle s'impose
comme un incontestable spécialiste du genre.
Et le peintre, ou le
sculpteur, aura toujours l'avantage sur le photographe de pouvoir
regarder deux fois son modèle, de l'observer en nature et en train
de se faire.
Dès
la Renaissance, l'anatomie, indissociable du nu, fait partie
intégrante de l'éducation des artistes et est enseignée dans les
académies, principalement à partir du dessin d'après l'antique, du
modèle vivant et de la dissection des cadavres. Des études
préalables à la représentation analysent en détail toutes les
parties du corps humain.
La mythologie fournit en principe les
thèmes de mise en scène du nu à travers : Apollon, Ariane,
Persée délivrant Andromède, Diane et Actéon ou encore Mars et
Vénus. La Bible constitue la seconde source d'inspiration avec
Adam et Eve, Loth et ses filles, David et Bethsabée, Suzanne et
Joachim, les scènes de martyr… Initialement, les représentations
de nus sont étroitement liées à la peinture d'histoire qu'elle
soit antique, biblique ou mythologique. Dans l'art religieux, le nu,
banni par le Concile de Trente (1545-1563), tient une place modeste.
L'étude
du corps se fait donc d'après nature ou par la copie des œuvres
d'art antique que l'artiste débutant, à défaut de moulages, trouve
dans des recueils de reproductions spécialement prévus à cet
effet, et qui font office de manuels de morphologie. Dès sa
création, l'école
des Beaux-Arts fait
référence à ces canons classiques qui constitueront la règle de
son enseignement jusqu'au milieu du XXème siècle.
Cet
art du nu peut se définir comme un genre particulier, mais bien des
oeuvres majeures de la sculpture et également de la peinture
occidentales comportent des personnages plus ou moins dévêtus.
Les
nus classiques ainsi que néo-classiques vont prendre un caractère
moral avec des poses aux corps anatomiquement parfaits, qui exaltent
le courage, le patriotisme, le sentiment héroïque. Les attitudes,
dans des mises en scène théâtrale, sont étudiées de manière à
ne rien montrer qui puisse offencer la pudeur, beaucoup de peintres
utiliseront d'ailleurs les ressources du drapé pour habiller les
parties sensibles de leurs figures afin de les rendre plus
présentables.
A partir de la seconde moitié du XIXème siècle,
le nu deviendra moins académiquement traditionnel pour gagner en
frivolité afin de satisfaire le collectionneur bourgeois, sans doute
davantage amateur d'anatomie féminine que de grand style. Les
artistes abandonnent donc le support jugé fastidieux de l'Histoire,
de moins en moins porteur, pour se rapprocher de scènes exotiques
dont les compositions, plus libres, se rapprochent parfois de
l'érotisme autour
des symboles habituels de la chevelure, du harem ou du miroir.
On
peut considérer que la réalisation de l'Olympia
de Manet marque un tournant dans l'histoire du nu et, qu'avec
celle-ci, s'arrête la figuration à proprement parler académique.
Dans cette peinture, la nudité est interprétée avec une certaine
banalité qui ne cherche pas l'élégance, mais la vérité à la
manière des oeuvres réalistes de Courbet.
Avec Degas, on aura
encore une recherche d'objectivité, dans des scènes naturalistes où
la femme est montrée tel quel et sans pose étudiée. Avant 1914,
toilette et bain fournissent le prétexte très en vogue à toute une
représentation de l'intimité féminine dévoilée, comme en
témoignent les nombreuses publications illustrées sur le sujet. Le
spectateur
masculin de l'époque, tenu la plupart du temps à l'écart de la
physiologie de sa compagne, découvre finalement l'interdit par le
biais honorable de la peinture, ou, celui moins avouable de la
photographie.
Après la Première Guerre mondiale, le nu cessera
progressivement d'être représenté pour lui-même et deviendra un
prétexte fondamentalement plastique, avec son esthétique
personnalisée qui prendra davantage le pas sur le sens intrinsèque
du tableau.
SAPHO
ou SAPPHO
La référence à l'Antiquité peut non seulement offrir
un support à l'expression d'une allégorie plus ou moins moderne
mais aussi permettre la représentation de nus. La poétesse grecque
Sapho, née à Lesbos au début du VIème siècle av. J.C., a de
cette manière été choisie par de nombreux artistes, notamment
romantiques et symbolistes, comme figure emblématique représentative
à la fois de la poésie et de la création artistique.
Durant
tout le XIXème siècle, aucun personnage féminin de l'Antiquité ne
connaît une vogue plus croissante que Sapho. De la vie de la
poétesse grecque, l'épisode le plus souvent retenu par les artistes
est celui de son suicide. La légende rapporte qu'amoureuse du beau
Phaon et repoussée par lui, Sapho se précipita par dépit du haut
du rocher de Leucade.
L'interprétation sensuelle et
évocatrice de Charles Mengin 1853-1933, outre la lyre
caractéristique disposée à la droite du personnage et la présence
du rocher de Leucade, nous montre la figure méditative
indissociable, selon les romantiques, du symbole de la création
artistique et de la mélancolie. Mais la belle Sapho, à la longue
chevelure brune, a-t-elle encore vraiment l'intention de se suicider
par amour ?
Deux
types de caractère féminin, en apparence contradictoires, sont
alors en vogue au XIXème siècle
:
Le
premier nous présente une femme
idéale,
accomplie, en quelque sorte parfaite.
L'autre, nous la montre
plutôt inquiétante et troublante.
Tout comme à la Renaissance,
cette période célèbre la femme dans l'art et la littérature mais
en la déclarant mineure dans la vie politique et publique. L'époque
prône la vertu, la féminité accomplie, alors qu'elle officialise
la prostitution avec les maisons closes. Le bourgeois d'alors, s'il
en a les moyens, peut parfaitement entretenir, discrètement mais
tacitement, une femme destinée à son plaisir. Il a donc à sa
disposition les deux aspects de la féminité : la fidèle épouse
vertueuse pour les apparences et la maîtresse frivole pour
l'agrément.
En lien, deux canons de la beauté qui figurent naturellement dans les oeuvres des artistes se partagent ce siècle :
- Le stéréotype dominant, c'est celui de la femme, ronde et potelée, aux bras dodus, à la chevelure opulente et à la chair d'albâtre, à l'image par exemple des Vénus de Cabanel et Bouguereau, des modèles de Gérôme et Lefèbvre.
- Le second, celui de la féminité fragile et romantique, qui pourrait s'apparenter à Camille Claudel, et qui est menacée par l'hystérie décrite par Charcot. C'est aussi la belle malade du corps, la tuberculeuse pâle comme Marguerite Gautier la Dame aux camélias. Zola, dans sa "Nana" ne manque pas d'exalter cette relation ambiguë entre la féminité et la maladie réelle ou supposée.
Cela ne se limite pas à la littérature : entre 1830-1880 dans la peinture, en pleine période du romantisme, des préraphaélites anglais, on fait aussi l'éloge de la pâleur, des joues creuses, des cernes sous les yeux.
Ce sera surtout cette image de la femme pleine d'une froide sensualité, de langueur, avec un teint clair et une abondante chevelure, que retiendra le mouvement préraphaélite.
Elisabeth Siddal qui a été la première femme du peintre Dante Gabriel Rossetti en est un reflet dramatique. En 1862 elle se suicida au laudanum, un dérivé de l'opium. La belle et troublante Jane Burden qui fut sa seconde épouse et lui servit de modèle, comme Elisabeth, posera quant à elle pour la très symbolique Vénus Verticordia, si emblématique de ce second type de féminité.
Certains artistes, certains peintres, mais surtout les poètes et écrivains exploiteront l'idée que l'affection pouvait permettre de se distinguer du commun des mortels ; qu'elle donne au visage une "étrange splendeur", qu'elle singularise la personnalité et l'oeuvre.
La médecine n'est d'ailleurs pas en reste et vient renforcer cette tendance singulière. Les textes médicaux sur le sujet considèrent souvent la femme comme une créature inconstante et fragile, à qui la nature a donné le pouvoir d'enfanter, et selon le commentaire de Michelet sur ses menstruations "La femme subit même l'éternelle blessure d'amour".
De nombreux artifices, de nombreux tabous, demeurent encore bien ancrés dans la vie quotidienne d'avant 1914. La femme par exemple doit être façonnée, dissimulée et statufiée dans un vêtement rigidifié par un appareillage complexe et contraignant de faux-culs et de corsets ; l'homme quant à lui s'habille en noir et, engoncé dans sa redingote, il ne montre pas davantage son corps.
Néanmoins l'époque découvre aussi les bienfaits des bains, le besoin d'aérer son corps, mais raisonnablement, et pour les premières excursions à la plage et la pratique du sport, il faut bien entendu se protéger contre les "mauvais airs" et les rayons du soleil. Fini, aussi, l'excès de fard qui caractérisait l'Ancien Régime. Les livres de beauté critiquent d'ailleurs leur usage pour des raisons autant hygiéniques que morales : la femme fardée n'est-elle pas une femme de mauvaise vie ?
Seules, finalement, et peut-être à cause du code strict de la morale, peinture et sculpture se permettent de représenter la nudité. Mais essentiellement féminine et souvent à travers une multitude de nymphes, d'odalisques et d'allégories. Alors l'artiste déshabille son modèle comme jamais et ce ne sera qu'à la fin du siècle, sous l'influence des modèles américains, lorsque l'homme va éprouver un attrait pour la culture physique, que l'on retrouvera un goût relatif pour la nudité masculine.
Apparence et jeu de miroir, Bodarevsky 1850-1921
Fernand Lematte, Jeune-femme au bain
Ernest Normand, White Slave
Gérôme -
The terrace of the seraglio, 1898
Topkapi,
le harem des harems Les
femmes-esclaves confinées dans le harem intriguaient souvent afin de
gravir les échelons et aspiraient toutes plus ou moins à devenir la
mère du futur prince héritier pour ainsi être la "sultane mère". Au
préalable et malgré la rude concurrence il fallait parvenir à se faire
remarquer par le seigneur-sultan afin de faire partie du cercle
restreint de ses favorites puis, peut-être et selon son bon vouloir,
devenir mère de prince. Seul,
le fils aîné accédait au trône et sa mère pouvait acquérir à
partir de ce moment le titre envié de "vâlide sultan". Le premier fils
dans la descendance sera prince héritier et les autres princes, plus
jeunes, auront un sort des moins enviable puisqu'ils seront purement et
simplement exécutés le jour de l’avènement de leur demi-frère aîné.
Un canon de beauté encore et toujours ? La légende des Circassiennes et des Géorgiennes, qui a fait souche non seulement en Turquie mais aussi au Proche-Orient est encore bien ancrée aujourd’hui. Pour les femmes, il faut avoir la peau laiteuse, une assez grande taille, une corpulence dite en chair de poisson, autrement dit bien en chair, de longs cheveux blonds ou de jais avec des yeux bleus. Dans son ouvrage
paru en 1855, "la Turquie actuelle", Ubicini relate la rencontre
fortuite qu’il fit un jour, du côté de Scutari sur la rive
asiatique du Bosphore, avec quelques esclaves du harem qui avaient pris
sous bonne escorte leurs quartiers d’été à la campagne. Ubicini
raconte avoir eu la chance de contempler un spectacle peu
ordinaire : Les
hammams pouvaient être nombreux dans l’enceinte du harem. Il y en
avait de toutes sortes, allant d’un réduit simple aux espaces
somptueux, chauffés et ornés de marbre avec des fontaines aux
robinets plaqués or. La fonction hygiénique du hammam reste secondaire.
L’essentiel de sa pratique assidue réside surtout dans le fait d’être
ensemble, de fumer le narguilé, de prendre boissons et sorbets, de
discuter, de s’observer aussi. C’est un lieu de sociabilité où
chaque femme apporte sa contribution.
Gérôme - Esclaves à vendre, 1873, Musée de Roubaix - The Slave Market 1871
Cf/ Harems, mythe et réalité, Altan Gokalp, Editions Ouest-France 2008 Jean-Henri-Abdolonyme Ubicini, né à Issoudun le 20 octobre 1818 et mort en décembre 1884, est un voyageur et historien français. La Turquie actuelle (1855) Texte en ligne
Aziyadé - Fantôme
d'Orient - Pierre Loti |
Fernand Cormon
L'IMAGE DE LA FEMME Yahvé Dieu dit :
"Il n'est pas bon que l'homme soit seul, il faut que je lui fasse une
aide qui lui soit assortie." De l'Antiquité en
passant par la Renaissance la représentation du corps, comme rappelé
précédemment, a toujours occupé une place importante dans
l'enseignement et le goût artistique occidental. Le dessin d'après
modèle vivant devient d'ailleurs au XIXème siècle la dernière étape du
cursus de l'école des Beaux-Arts. Les nus féminins,
qui rencontrent un succès sans cesse croîssant comme l'atteste
l'exposition du Salon, séduisent d'abord et tout naturellement un
public masculin sensible au contenu évocateur des images. Ces
représentations sont moralement tolérées par la société pudibonde
d'avant 1914 grâce à l'alibi historique, exotique chez les
orientalistes avec leurs Odalisques, ou mythologique lorsque la femme
devient Vénus. Comme par le
passé, au XIXème siècle l'image de la femme est essentiellement un
produit masculin. La grande majorité des modèles sont dessinés, peints
ou photographiés par des hommes qui appliquent leur vision, déjà en
choisissant la pose de celui-ci, ensuite en déterminant sa situation,
c'est-à-dire le sujet. La chevelure mais
aussi le bassin, la poitrine et les jambes ! Nu académique ou
nu érotique ? Les Orientalistes
et le mythe du harem. Contrairement aux
orientalistes qui représentent le harem, à la façon des bains,
c'est-à-dire comme un lieu plein de corps nus, les historiens turcs le
décrivent plutôt comme une école de femmes. “Le plus important,
explique l’historien Ilbay Ortayli, c’était de donner aux femmes une
éducation de qualité et de s’assurer qu’elles pussent conclure un bon
mariage, notamment avec des hauts fonctionnaires.” Les peintres
orientalistes ont dépeint ce qu’ils imaginaient être des harems et les
historiens turcs les critiquent pour avoir fait ces descriptions sans
même, pour la plupart d’entre eux, ne jamais avoir mis les pieds en
Orient. Quant à ceux qui y sont allés, ils n’ont évidemment jamais pu
pénétrer dans un harem ou dans un bain turc réservé aux seules
femmes et ils se sont donc contentés d’illustrer leurs propres
mythes. Delacroix, Ingres, Gérôme ou Picasso ont peint des femmes qui
n’étaient que le fruit de leurs fantasmes, explique Fatima Mernissi,
une essayiste marocaine qui a publié un livre sur ce thème, Le Harem et
l’Occident (Albin Michel, 2001). Dans leurs tableaux, la femme est
toujours représentée comme une créature sensuelle et docile, aux lignes
avantageuses et qui n’a d'autre soucis que de plaire. Au contraire des
tableaux orientalistes occidentaux mettant en scène des femmes aux
poses lascives, proches de l'érotisme, et qui se concentrent
essentiellement sur son corps, ses habits, ses danses, les miniatures
orientales sur le sujet montrent les femmes dans des scènes de chasse
ou dans les diverses activités de leur vie quotidienne.
Gérôme, Femme nue, 1889 Bouguereau, Nymphs & Satyr, 1873
1) Cf L'art pompier, Louis-Marie Lécharny, PUF 1998
2) A toute époque, les pénitents sont encouragés à couper leurs cheveux. La tonte, cheveux ras, de certains coupables, hommes ou femmes, est une suite de ce symbolisme très ancien initié par les Égyptiennes qui sacrifiaient déjà leur chevelure aux dieux-fleuves.
3) Le nombre relativement important des scènes de "hammams" dans l'oeuvre de Gérôme, et dans celle de ses contemporains orientalistes, montre bien la fascination qu'exerce alors l'Orient. Depuis l'expédition de Bonaparte en Égypte (1798), accompagnée d'artistes et de savants spécialement chargés d'étudier et de décrire le pays, les publications sur le sujet sont nombreuses. Les photographies ne sont pas rares et le premier livre ainsi illustré en France paraît en 1852 : " L'Égypte, la Syrie et la Palestine" par Maxime du Camp. C'est à Londres, à l'abri des événements de la Commune, que Gérôme débute sa série consacrée aux "hammams". Trois ans après le décès d'Ingres, il s'inscrit donc dans la suite du "Bain turc" et de "La Grande Odalisque". Cependant, contrairement au maître de Montauban qui n'avait jamais voyagé, Gérôme propose une vision orientale authentique, constatée de visu, mais seulement pour l'architecture et les accessoires. En effet, l'usage des bains n'est pas mixte et les scènes de "hammams" aux nombreux nus féminins ne peuvent être que des reconstitutions d'atelier. Gérôme transgresse par ailleurs un interdit de l'Occident puritain où la nudité est tabou, ce qui renforce sans aucun doute le pouvoir évocateur et l'attrait érotique de la série.
4) Extraits des
lettres de Lady Montague, épouse de l'ambassadeur de Grande-Bretagne en
Turquie, publiées à Londres en 1764. Alfredo Valenczuela 1884 - La perle du marchand |
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